Le concept d’apprendre de ses erreurs, n’est pas nouveau. «La chute n’est pas un échec. L’échec c’est de rester là où on est tombé.
» Socrate. Mais avec l’arrivée d’un contexte de plus en plus changeant, une forme d’incertitude permanente, les phases d’expérimentation sont plus fréquentes et donc les occasions de faire des erreurs sont plus nombreuses. C’est une évidence : avec moins de stabilité, nous sortons plus de nos zones de confort, de nos apprentissages éprouvés. Le fait d’expérimenter, d’échouer, d’apprendre de ses erreurs et de modifier positivement ses comportements est devenu central.
On voit notamment cela très bien dans la culture start-up: cf la lettre de Jeff BEZOS à ses actionnaires en 2015 [Amazon] « la meilleure entreprise où on peut échouer et malgré tout réussir » citée dans : Uberisez Votre Entreprise, Eychenne et Strong 2017. On retrouve aussi cela au cœur des méthodes agiles (fail fast – learn fast). Mais plus largement, la capacité à apprendre de ses erreurs est devenue une compétence clé à avoir et à insuffler pour un manager moderne.
Dans Cerveau & Psycho du mois d’avril 2017, il y a un intéressant dossier sur « apprendre de ses erreurs ». On y voit notamment que notre cerveau reçoit un feed back sur la qualité de sa prédiction en quelque sorte : l’écart entre ce qui est arrivé et ce que j’avais prévu qu’il se passe. Du coup trois possibilités : la réalisation est supérieure à mes attentes; elle est conforme; ou elle est inférieure.
C’est déjà, un premier champ de travail : la qualité de ma prédiction. En effet, pour certaines personnes, il y a une tendance à surestimer les effets de telle ou telle mesure, ou de tel ou tel comportement. Un manager qui par exemple, va estimer que sa présentation à l’équipe du projet va suffire et que tous « vont se mettre en marche »… et qui ensuite face à des incompréhensions et des non engagements va ressentir une forme d’échec. Pour d’autres, c’est l’inverse ils ont tendance à sous estimer les effets de leurs actions, avec de la prudence extrême par exemple.
La prédiction (souvent en partie inconsciente); est déjà très impactante dans la capacité à tirer des leçons positives de ses erreurs. En effet, non seulement elle va servir d’étalon à mon cerveau en la comparant à la réalité, mais en plus, elle est aussi influente sur la réalisation. Avec notamment tout ce que l’on connaît bien autour de la pensée positive, de l’influence de la confiance, ou à l’inverse de la propension à partir perdant. On aura tout intérêt, petit à petit, à « travailler » ses prédictions (ses attentes), afin qu’elles soient à la fois réalistes et positives.
Le deuxième acte, c’est l’analyse de la réalisation. C’est ce que l’individu va « coder » de la réalisation : positif (au delà de la prévision), conforme, négatif (en deçà de la prévision). C’est un deuxième champ de travail, car même avec des éléments factuels, l’évaluation va demeurer en grande partie subjective. Un dirigeant qui suite à une de ses décision ou à un de ses comportements va générer auprès des équipes du découragement, peut ne pas le percevoir et analyser la situation comme satisfaisante et conforme à ce qu’il attendait. Pour apprendre de ses erreurs, encore faut-il les percevoir… C’est un point essentiel de la capacité d’apprentissage de ses échecs : être capable de ne pas se laisser « polluer » par ses biais cognitifs (resté centré sur sa vision des choses, sous estimer ou déformer consciemment ou inconsciemment des signaux non favorables). Ainsi dans l’article « l’erreur forge le cerveau » par Emmanuel Procyk et Martine Meunier, directeur de recherche à l’Institut cellule souche et cerveau à Lyon et directrice au Centre de recherche en neurosciences de Lyon; parlent par exemple du « biais du choix ». Comme c’est une solution que j’ai choisi, j’ai du mal à la remettre en cause.
Enfin le troisième acte, tient au sens que nous allons donner à l’écart entre la prédiction et ce que nous avons perçu de la réalisation. En effet, si mon action a généré un échec, mais que face à cela je vais incriminer les autres, le manque de chance, la hiérarchie qui n’a pas suivi… il y a très peu de chance que j’apprenne quelque chose de positif.
Pour apprendre de ses échecs, il faudrait :
attendre de ses actions de conséquences réalistes tout en restant orienté positif
avoir la capacité à voir les conséquences de ses actions en étant décentré (en dehors de son seul point de vue, en écoutant les feed back, en prenant en compte les indicateurs…)
rechercher ce sur quoi je peux agir et ce en quoi j’ai une responsabilité et ne pas m’abriter derrière des raisons ou des boucs émissaires qui rendront l’apprentissage impossible.
C’est vraiment une question de maturité et de capacité à avoir une vision plus large des situations. C’est aussi certainement beaucoup une question d’éducation et de valeur accordée à l’erreur. Charles Pepin (Philosophe et écrivain, professeur de philosophie à la Maison de l’éducation de la Légion d’honneur et à l’Institut d’études politiques de Paris), dans ce même dossier, indique :
« Il faut absolument apprendre à tolérer nos faux pas et imperfections, à l’école, au travail ou en famille. Le rôle de l’environnement où nous vivons est essentiel pour nous permettre de bien ou mal vivre les erreurs en général. Nous avons en France une école où l’on est tenté de stigmatiser les élèves qui sont en échec. Les études Pisa, qui évaluent les systèmes scolaires de différents pays, montrent que les petits Français sont plutôt compétents mais ont plus peur de se tromper que les autres. Culturellement, on ne les encourage pas à l’audace et on ne leur apprend pas à décider. Toute décision étant un acte de trancher au milieu d’une zone d’incertitude, avec le risque de se tromper, cette peur de l’erreur fait d’eux de mauvais décideurs. »